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Marie-Anne VANNIER,

Eckhart et le Prologue de Jean,

Graphè n° 10 (2001), p. 125-142.

I. UNE LECTURE ORIGINALE DU PROLOGUE DE JEAN

1. Le Verbe

2. Une interprétation originale de la création

IL. LA FILIATION DIVINE

Notes

 

S'il est un texte qui a fortement marqué Eckhart, c'est l'Évangile de Jean, et plus précisément son Prologue, qui a donné une orientation décisive à sa pensée. Il le laisse entendre lui-même, en comparant, comme Albert le Grand 1, Jean à l'aigle évoqué par Ézéchiel (17, 3-4), en disant à la suite d'Origène et d'Augustin que Jean "surpasse les autres auteurs des Évangiles au profond des mystères divins"2 et surtout en rappelant qu'au livre X "de la Cité de Dieu (29), Augustin mentionne un certain platonicien qui disait que le début de l'Évangile de Jean jusqu'à "il y eut un homme envoyé par Dieu", "devait être écrit en lettres d'or (...) et exposé dans les endroits les plus en vue"3. C'est dire l'importance qu'il lui accordait.

Cependant, il ne faudrait pas chercher trop rapidement l'expression de la théologie mystique eckhartienne dans le commentaire qu'il propose du Prologue johannique. Les développements plus personnels viendront ensuite, dans ses sermons allemands. Ici, en bon théologien médiéval, Eckhart s'astreint à un travail rigoureux sur le texte de l'Écriture dont il dispose. À la différence des Pères, il ne propose pas seulement une explication suivie de l'Écriture, mais il inscrit ce commentaire dans une réflexion générale, formulée sous la forme de Quaestiones, où il reprend, également, l'acquis des commentaires proposés avant lui par Origène, Augustin et Thomas d'Aquin, principalement. Il précise, d'ailleurs, d'entrée de jeu son propos qui est d'"expliquer par les raisons naturelles des philosophes les affirmations de la foi chrétienne et de l'Écriture dans les deux Testaments"4 et "de montrer comment les vérités des principes, des conclusions et des propriétés des choses de la nature sont clairement indiquées dans ces mêmes mots de l'Écriture que l'on interprète au moyen de ces réalités naturelles", avec, "çà et là, quelques interprétations d'ordre moral"5. Mais, comme le Prologue de Jean "remonte à l'origine (...), cette origine qui se trouve en Dieu"6, Eckhart prend comme axe de son commentaire le thème de la filiation divine, de la naissance de Dieu dans l'âme.

Ce commentaire du Prologue de Jean, Eckhart le développe dans le cadre de sa grande oeuvre latine : L'ouvrage tripartite, qui est resté inachevé et plus précisément de la troisième partie de celui-ci : L'ouvrage des expositions, regroupant les commentaires de l'Écriture et qui Nient après une réflexion plus théorique, exprimée dans L'ouvrage des propositions et L'ouvrage des questions. Eckhart a dû commencer à rédiger ce commentaire à l'époque de son enseignement à Paris et il a dû le terminer au cours de son séjour à Strasbourg entre 1313 et 1323/1324, compte tenu des thèmes identiques que l'on retrouve, et dans ce commentaire et dans sa prédication allemande, tel : celui de l'homme juste, de l'homme noble.

Ce texte manifeste la continuité entre les deux volets de son oeuvre : latine et allemande et il contient l'essentiel de sa pensée sur la naissance de Dieu dans l'âme qui sera l'axe majeur de sa prédication allemande.

UNE LECTURE ORIGINALE DU PROLOGUE DE JEAN

Parmi les auteurs qui ont commenté le Prologue de Jean, Eckhart est le seul à en radicaliser autant l'interprétation pour la centrer essentiellement autour de la naissance du Verbe dans l'âme. Son prédécesseur, Thomas d'Aquin, s'était surtout efforcé de mettre en évidence, dans son commentaire du Prologue de Jean, la divinité du Christ.

1. Le Verbe

Le choix retenu par Eckhart apparaît nettement dès le début de son commentaire. Au lieu de s'arrêter longuement, comme Origène, ou, à un moindre degré, comme Augustin sur le commentaire de l'In Principio, pour en dégager les différents sens et faire ressortir que le sens principal en est le Verbe, il commence par préciser le rôle du Verbe et en dégage huit significations qu'il présente comme autant d'exégèses, ce qui constitue un cinquième de son commentaire du Prologue et en manifeste le caractère décisif. Il explique, tout d'abord, que le Verbe est égal au Père dont il vient. En d'autres termes, il est Dieu. Puis, il dit qu'en fonction de l'étymologie, le Verbe peut s'interpréter en termes de raison et il précise que "la raison est le principe de toutes les choses prises universellement et qu'elle est aussi la cause de toutes les propriétés et de toutes les passions qui sont en chacune d'elles"7. En quatrième lieu, Eckhart reprend l'identification entre le Verbe et la raison pour conclure que le Verbe est synonyme d'intellect et représente donc ce qu'il y a de plus élevé pour l'être humain, puis il souligne la coéternité du Verbe par rapport au Père, avant de prendre l'image du peintre, de revenir à l'identification du Verbe à la raison pour conclure à la présence du Verbe dans le Père et à son inhabitation en nous. Sans doute Eckhart ne commente-t-il pas les premiers versets de la Genèse où la réflexion sur l'In Principio a une place plus importante, mais, dans son Commentaire de la Genèse, il avait déjà identifié immédiatement (n. 3) l'In Principio au Verbe.

Dans le commentaire du Prologue, il adopte une méthode différente. Il explique que "ce qui procède est dans le producteur, qu'il est en lui comme la semence dans son principe, comme le verbe en celui qui parle, et qu'il est en lui comme la raison dans laquelle et d'après laquelle procède ce qui est produit par le producteur"8. Et, il ajoute que, "par le fait même qu'une chose procède d'une autre, elle s'en distingue "et elle lui est égale. Ainsi en est-il du Fils par rapport au Père. Sans la développer davantage, Eckhart ébauche déjà sa théologie trinitaire. Il propose également une analogie : celle du juste, ce qui l'amène à dire : "Le juste en tant que tel est dans la justice (... Or), le juste est le verbe de la justice, par lequel la justice se dit et se manifeste. Car si la justice ne justifiait pas, personne ne la connaîtrait, elle ne serait connue que d'elle seule (...) et du juste assumé par la justice elle-même (... En fait), le juste qui procède de la justice et est engendré par elle se distingue d'elle par là-même, car rien ne peut s'engendrer soi-même"9. Sans développer cette analogie qu'Eckhart reprend d'ailleurs tout au long de son commentaire du Prologue de Jean, force est de constater qu'il esquisse là un thème qu'il présentera, avec plus d'aisance, dans sa prédication allemande et qui précise comment l'être humain peut être introduit à la vie trinitaire. Cela apparaît clairement dans le Sermon IX où, en commentant Ecclésiaste 50, 6-7, il réfléchit sur la fonction de l'adverbe. Ainsi explique-t-il le verset : "Comme une étoile du matin au milieu de la nuée". "En ce moment, dit-il, j'ai en tête le petit mot quasi, qui signifie "comme". À l'école, les enfants appellent cela un "adverbe". C'est ce que j'ai en vue dans tous mes sermons. Ce que l'on peut dire de plus propre au sujet de Dieu, c'est Verbe et vérité. Dieu lui-même s'est donné le nom de Verbe. S. Jean dit : "Au commencement était le Verbe", signifiant par là que l'homme doit être auprès du Verbe adverbe (... En effet), l'homme qui veut par-venir à ce dont on vient de parler tout mon propos ne concernait d'ailleurs que cela cet homme doit être comme une étoile du matin : toujours en la présence de Dieu, toujours près de lui et aussi proche, et au-dessus de toutes les choses terrestres; à côté du Verbe, il doit être un adverbe"10.

On peut se demander ce qu'Eckhart veut dire par ce terme "d'adverbe". Il y a chez lui, à maintes reprises, un jeu verbal et même une création verbale. Dans le cas présent, il y va d'un problème théologique fondamental : celui de l'analogie et de la différence entre l'être créé et le Verbe, le Fils de Dieu. Pour éviter toute espèce de panthéisme, Eckhart, loin de les identifier, marque leur rapport et leur différence, de manière très habile, en termes de Verbe et d'adverbe, ce qui induit ipso facto une réflexion sur la création et sur la filiation divine. Même si Eckhart réfléchit plus, dans son Commentaire, sur le second point que sur le premier, nous n'irons pas d'emblée aux conclusions, mais nous reprendrons brièvement sa réflexion sur la création.

2. Une interprétation originale de la création

En suivant le texte du Prologue de Jean, Eckhart rappelle brièvement la divinité du Verbe, en précisant que "la première propriété du Verbe ou Fils de Dieu paraît être qu'il soit engendré par le Père, et il se demande : "Pourquoi est-il dit ici : "Dans le Principe était le Verbe, non pas plutôt par le Principe? "11. Et il répond, en faisant ressortir l'égalité et l'unité du Père et du Verbe, qui est la condition même de notre participation à la vie divine, autour de laquelle il oriente la suite de son Commentaire. Il note seulement que "la génération du Fils précède nécessairement toute action en toutes choses, que ce soit dans la nature ou dans l'art, dans l'être comme dans le connaître, de telle sorte que, par Lui, le Fils toutes choses ont été faites"12, ce qui amène Eckhart à réfléchir sur la création, conformément à ces versets justement : "Toutes choses ont été faites par lui et, sans lui, rien n'a été fait".

Il reprend, alors, une démarche ontologique classique, qu'il avait déjà mise en oeuvre dans la Seconde question parisienne. S'il ne suit guère saint Thomas pour insister sur la divinité du Verbe, il lui emprunte, en revanche, la distinction entre l'ens et l'esse et précise, à sa suite et à celle de saint Augustin, qu'est néant tout ce qui n'est pas fait par Dieu, car "tout l'être et l'être de toutes choses proviennent de Dieu seul"13, il les a créés à partir du néant (2 M 7, 28) et a tout créé dans son Fils.

En revanche, pour ce dernier point, il propose une interprétation originale, en la situant sur le plan de la Trinité. Ainsi écrit-il : "Ces paroles indiquent à la fois l'unicité de la substance et la distinction et la propriété des personnes en Dieu ici le géniteur ou le Père, là le rejeton, l'image et le Fils"14.

En suivant le texte du Prologue, il s'attache, ensuite, à expliquer le verset : "Ce qui a été fait en lui était vie", ce qui l'amène à faire ressortir que Dieu, qui est l'être, est la Vie même 15 et que les êtres créés ont, alors, la vie par participation à Celui dont ils tiennent l'être.

À l'issue de cette première partie de son Commentaire du Prologue de Jean, Eckhart propose, en bon théologien médiéval, une petite synthèse relative aux "caractères généraux de tout l'être, tant incréé que créé". L'être incréé renvoie à "l'émanation des personnes en Dieu (...). Par le nom de Principe, on comprend le Père, par le nom de Verbe le Fils, et puisque le Verbe n'est pas sans Esprit, on comprend, de ce fait même, le Saint-Esprit. Et aussi, parce qu'il n'est pas de génération sans amour, la génération (passive) se rapporte au Fils, l'amour au Saint-Esprit"16. Les personnes sont ainsi définies dans leurs différences et dans leurs rapports d'origine. Quant à l'être créé, il comprend quatre degrés d'êtres : "Il y a les êtres du premier degré qui ne sont qu'êtres; au deuxième degré, il y a les vivants; au troisième degré, l'intellect humain; au quatrième, l'intellect angélique et tout autre intellect"17. Eckhart passe progressivement de l'ontologie à la noétique et il souligne, d'autre part, la dépendance dans l'être des créatures par rapport au créateur18.

Cette réflexion sur la création, Eckhart ne la développe pas seulement à l'occasion du Commentaire du Prologue de Jean, mais il l'avait déjà amorcée dans son Commentaire de la Genèse. Il définit, alors, essentiellement la création comme collalio esse 19, comme rassemblement de l'être.

Dans sa prédication allemande, au contraire, il semble faire preuve de pessimisme anthropologique, voire ontologique, quand il remarque : "je ne dis pas que les créatures sont peu de choses ou quelque chose, mais qu'elles sont un pur néant " (Sermon 4, p. 244-245). Mais, cette réflexion d'Eckhart est sortie de son contexte et de la dialectique mise en oeuvre, c'est vraiment là une des difficultés inhérentes au procès mené contre lui 20. Si Eckhart en vient à dévaloriser la création, c'est au cours d'un Sermon 2l, où il s'attache à montrer qu'il importe de ne pas chercher son salut dans les créatures, car, par elles-mêmes, elles ne sont rien, elles tiennent tout leur être de Dieu. C'est donc l'idée de dépendance dans l'être, de participation 22 qu'il entend mettre en évidence, comme dans son Commentaire du Prologue de Jean. D'ailleurs, la suite du texte est claire. Il y écrit : "Aucune créature n'a d'être, car leur être à toutes est suspendu à la présence de Dieu. Si Dieu se détournait d'elles ne fût-ce qu'un instant, elles retourneraient au néant " (Sermon 4, AH I, p. 245). Ici les choses apparaissent plus nettement, mais la pensée est identique.

Or, Eckhart n'est pas très éloigné ici de saint Augustin23 qui fait dire aux créatures au livre X des Confessions VI, 9 : "Non sumus Deus, sed ipse fecit nos". Augustin ne va pas jusqu'au concept de néant pour faire ressortir la dépendance dans l'être des êtres créés par rapport à leur créateur, mais la notion est implicite à sa pensée. Cela apparaît au livre XI des Confessions (IV, 6, BA 14, p. 281), où il écrit : "Si nous sommes, c'est parce que nous avons été faits. Nous n'étions donc pas, avant d'être, pour pouvoir nous faire nous-mêmes". Avant Eckhart, il a également recours à la dialectique du minus esse et du magis esse 24, de l'aversio a Deo et de la conversio ad Deum 25, de la connaissance vespérale et de la connaissance matutinale 26. Cette dialectique, Eckhart l'utilise également, en la réinterprétant, dans son oeuvre allemande et dans son oeuvre latine, comme le manifeste ce passage du Commentaire sur le Prologue de Jean, où il note : "Du fait que l'homme reçoit tout son être par tout lui-même de Dieu seul, son objet; être pour lui. c'est ne pas être pour soi, mais être pour Dieu pour Dieu, dis-je, en tant que principe donnant l'être, et pour Dieu en tant que fin, pour qui l'homme est et pour qui il vit et c'est s'ignorer soi-même et toute chose sauf Dieu et ce qui est Dieu, en tant que cela est Dieu et que c'est Dieu"27.

Il y a là un double enjeu éthique et ontologique. En tant que prédicateur, Eckhart préconise, dans son oeuvre allemande, de ne pas se replier sur soi, mais de s'ouvrir à la vie que Dieu nous donne. Or, cette exhortation est tout entière ancrée, comme chez Augustin, dans son ontologie 28. Il en va, en effet, de la constitution de l'être, par l'acceptation d'être créé et recrée par Dieu ou, de son annihilation, par le refus.

Mais qu'en est-il, alors, de l'être de la créature? Se situe-t-il tout entier du côté de l'étant? Sans doute Eckhart reprend-il la distinction classique entre l'ens des créatures 29 et l'esse du créateur, mais il opte également pour la métaphysique augustinienne de la relation 30 et non pour la métaphysique aristotélicienne 3l de la substance, ce qui l'amène à définir l'être créé comme un esse ad 32, comme un être vers et non comme un être auto-suffisant et, c'est dans la mesure où il est en relation avec son créateur qu'il s'accomplit. En effet, "l'étant dans l'âme, en tant qu'il est dans l'âme, ne possède pas la raison de l'étant, et en tant que tel il va à l'opposé de l'étant"33. C'est quelque chose d'incréé dans l'âme 34 qui n'est pas sans analogie avec l'esse du créateur. Ainsi Eckhart explique-t-il, dans le Sermon 4 (p. 245), que "quand Dieu créa toutes les créatures, elles étaient si misérables et si étroites qu'il ne pouvait se déployer en elles. C'est alors qu'il créa l'âme si égale et commensurable à lui qu'il pût se donner à elle : car ce qu'il lui donne d'autre, elle le tient pour rien".

Faut-il voir là l'expression de l'image de Dieu dans l'âme? Certainement. C'est elle, en effet, qui rend possible la relation à Dieu et qui achemine vers la filiation divine. Mais, il y a quelque chose d'étonnant, voire d'extraordinaire, dont Eckhart parle dans un texte publié par Pfeiffer 35 : "Maintenant, attention! je vais dire ce que je n'ai encore jamais dit. Après que Dieu eut créé le ciel et la terre, Dieu ne réalisa rien, il n'y avait rien à réaliser, en lui-même non plus, il n'y avait aucune oeuvre. Alors Dieu dit : "Nous allons faire notre semblable". Créer, c'est une chose lumineuse : cela on le fait quand et comme on veut. Mais "que je fasse"cela, je le fais moi-même et avec moi-même et en moi-même et en même temps j'imprime mon image là-dedans. "Nous ferons notre semblable" : non pas le Père, ni le Fils, ni le Saint-Esprit, mais "nous", dans le conseil de la Sainte Trinité, nous ferons notre semblable". "Lorsque Dieu fit l'homme, il réalisa dans l'âme son oeuvre qui est une similitude, son oeuvre agissante, et son oeuvre qui se continue toujours. Cette oeuvre était si grande que ce n'était rien autre que l'âme, et l'âme n'était rien autre que l'oeuvre de Dieu"36. C'est en elle, dans cet Etwas in der Seele, que se réalise la filiation divine, qui est la ligne de fond de tout le Commentaire qu'Eckhart propose du Prologue de Jean et qui consiste à "devenir par grâce ce que Dieu est par nature", comme le disait Maxime le Confesseur. C'est là tout le thème de la divinisation de l'être humain 37 qui est au coeur de l'Évangile de Jean et qu'après Augustin et les Pères grecs, Eckhart explicite.

Il. La filiation divine

Avant de suivre à nouveau le Commentaire d'Eckhart, qui est laborieux et technique, nous allons en dégager l'enjeu à partir d'un passage du Sermon allemand 6, où il situe lui-même son propos, en distinguant la génération du Fils et la filiation adoptive. Ainsi dit-il : "Le Père engendre son Fils dans l'éternité, égal à lui-même. "Le Verbe était près de Dieu, et Dieu était le Verbe" : Il était la même chose que Lui selon la nature. je dis plus encore : Il l'a engendré dans mon âme. Non seulement elle est près de Lui et Il est près d'elle à égalité, mais Il est en elle, et le Père engendre son Fils dans l'âme de la manière même dont Il l'engendre dans l'éternité, et pas autrement (...). Sans cesse, le Père engendre le Fils et je dis plus encore : il m'engendre en tant que son fils, le même fils. Et je dis plus encore : non seulement, il m'engendre en tant que son fils, mais Il m'engendre en tant que Lui-même et Il s'engendre en tant que moi-même et moi en tant que son être et sa nature"38. Sans doute y a-t-il là quelque exagération et les formules peuvent prêter à confusion, comme on n'a manqué de le lui reprocher. Eckhart adopte le langage des mystiques, mais il entend montrer par là que la génération du Fils nous concerne au premier chef, qu'elle ne s'est pas effectuée une fois pour toutes, mais que c'est une réalité de tous les instants, qui n'est autre que la naissance de Dieu dans l'âme. Il ne mentionne pas ici la théologie de la grâce, mais celle-ci sous-tend, en fait, sa pensée, comme on le voyait dès le Sermon latin XXV.

Dans son Commentaire du Prologue de Jean, Eckhart énonce, en revanche, les prémisses de son raisonnement et, lorsqu'il applique à l'âme le verset "Il était la lumière véritable qui illumine tout homme venant en ce monde", il explique que cela tient au fait que l'âme est la "forme substantielle du corps". De ce fait,", elle est immédiatement présente par elle-même tout entière à chacun des membres, et à cause de cela leur donne à tous d'être et de vivre"39. Or, Eckhart précise dans le Sermon allemand 2 que "le Père éternel engendre sans cesse son Fils éternel dans cette puissance, en sorte que cette puissance collabore à l'engendrement du Fils et d'elle-même en tant que ce Fils, dans l'unique puissance du Père"40. En d'autres termes, le Verbe est engendré dans le Fond de l'âme, dans ce Grund ohne Grund, qui est le domaine propre de Dieu. C'est de cette manière qu'Eckhart commente le verset de Jean 1, 14 : "Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous". Il fait, en effet, comprendre que, "dans le Christ, premier engendré, nous sommes engendrés fils de Dieu par adoption"41. D'ailleurs, il le précise quelques lignes plus loin, en disant que "le Verbe a habité en nous, parce que nous l'avons lui-même en nous"42 et nous sommes aussi transformés en lui et unifiés, "devenus un en lui et par lui"43.

C'est là tout le sens de la naissance de Dieu dans l'âme et, pour en rendre compte, Eckhart a recours à une figure : celle du juste, à propos de laquelle il écrit que celui qui a compris ce qu'il dit du juste et de la justice a compris tout son enseignement 44. Or, la figure de l'homme juste n'est autre que celle de l'homme humble, de l'homme pauvre, de l'homme noble, autour de laquelle il oriente toute sa prédication à Strasbourg et dans la région. On comprend, dès lors, comment le Commentaire du Prologue de Jean et la prédication allemande sont deux volets d'une même réflexion. Toute la fin du Commentaire du Prologue de Jean, tout comme le Sermon de l'homme noble sont, d'ailleurs, orientés autour de cette figure du juste, donnant ainsi la fine pointe de l'enseignement d'Eckhart et même sa quintessence. Il explique, en effet, que "le juste est le verbe de la justice, C'est par lui que parle la justice, et il est ce qu'elle dit et il est ce qu'elle crie"45.

Cependant, il importe d'apporter une précision d'ordre historique, qui permet de mieux situer le point de vue d'Eckhart et d'en dégager l'enjeu. "Le thème de l'homme noble a abondamment circulé dans les milieux hérétiques de la vallée du Rhin, particulièrement à Strasbourg"46. En le reprenant, Eckhart répond aux partisans du Libre Esprit sur une question centrale : celle de la divinisation de l'homme 47. L'homme noble n'est pas l'homme arrivé à la perfection par ses seules forces, mais il vit tout entier en Dieu. C'est là une manière pour Eckhart d'indiquer, à la suite des Pères grecs, les grands axes de l'anthropologie chrétienne. Aussi n'est-ce pas un hasard s'il interprète la péricope de Luc 9, 12 en ces termes au début de son sermon : "Notre Seigneur nous enseigne combien noble fut créé l'homme en sa nature, et combien divin est ce qu'il peut obtenir par grâce et aussi comment l'homme doit y parvenir"48. Il se fixe ainsi un triple objectif : le rappel de la noblesse de tout homme 49; le rôle de la grâce dans sa divinisation 50 et les moyens

Cela apparaît plus nettement encore dans le Commentaire du Prologue de Jean, rédigé certainement à la même époque, où il écrit : "De même que nous sommes tous sanctifiés par le même Esprit Saint survenant en nous, de même par le même Fils nous sommes tous justes et déiformes, nous en qui habite "le Verbe fait chair" dans le Christ qui nous conforme à lui par la grâce et en vertu de qui "nous sommes nommés et sommes (vraiment) fils de Dieu" (1 Jn 3)"51. C'est la dimension trinitaire de l'inhabitation qu'il met en évidence ici, tout en précisant sa théologie de la grâce, comme il l'avait déjà fait dans les Sermons latins, sans oublier le rôle du Verbe dans la filiation divine.

Or, ce long commentaire du texte johannique s'articule essentiellement autour d'un concept qui est la génération du Logos, ou celle de la Justice dans l'âme. C'est ainsi que l'auteur trace, dans la dernière partie du Commentaire du Prologue, "la figure de l'homme noble, du Fils, c'est-à-dire de l'homme qui n'est plus aliéné et vit désormais de l'infinie joie de l'esprit"52. Cet "homme divin et formé selon Dieu n'aime rien (...) que la volonté et la gloire de Dieu"53. plus précisément, "un homme juste, dans la mesure où il est juste, ne fait rien de lui-même, mais tout ce qu'il fait comme juste, il le fait par la justice, à travers la justice et c'est une oeuvre de la justice"54. À la suite d'Albert le Grand, Eckhart reprend, en quelque sorte, la comparaison du diaphane pour caractériser l'homme juste ou l'homme noble, celui qui est tout entier pénétré, illuminé 55 par la vie de Dieu 56. C'est là le type même de l'homme détaché 57, de celui qui s'est en quelque sorte vidé de lui-même pour laisser la place à Dieu. Pour lui, désormais, "Dieu n'est pas un être, mais l'être à proprement parler : Dieu devient (son) être, Dieu en (lui), (lui) en Dieu. Il disparaît comme étant, comme objet et devient Esprit. Mais Esprit signifie intellect, la plénitude de la raison qui est aussi plénitude de la volonté, de l'amour : c'est pourquoi, on parle de Logos et de l'image du Fils, Christ/Logos, la Parole que nous prononçons et que nous sommes"58. Il est tout entier le porte-parole de Dieu ("Le juste est le verbe de la Justice, par lequel la justice se dit et se manifeste", dit Eckhart dans le Commentaire du Prologue de Jean, n.15, p. 47). Il en est le prédicateur 59 qui reste distinct de celui qu'il annonce 60, mais qui vit de cette joie que lui donne l'inhabitation du Fils en lui 6l. Bien qu'Eckhart ne prenne pas explicitement l'homme noble comme thème de son Commentaire de l'Évangile de Jean, il en fait une clef de lecture et l'axe même de son Commentaire du Prologue, en présentant l'homme juste comme l'expression de celui qui connaît la filiation divine.

Il arrive là à une maîtrise de sa pensée sur la question. Alors que dans les Sermons latins VII et XXII, il avait essayé de définir, de manière encore balbutiante, l'homme noble, que dans le Sermon latin XXV, il avait précisé le rapport entre la grâce et la filiation divine, dans le Commentaire du Prologue de Jean, il esquisse désormais une synthèse en proposant comme référence la figure du juste. Cependant, à lire les différentes définitions qu'il donne du juste, on peut se demander s'il ne désigne pas par là le Fils, ce qui est renforcé par l'optique même du Prologue de Jean qui évoque directement le Fils. Mais, c'est aussi une manière pour Eckhart de parler de la filiation divine, d'expliquer comment nous devenons fils dans le Fils. Ainsi écrit-il que "Le juste, parce que fils de la justice, manifeste celle-ci; mais parce que unique engendré, c'est-à-dire engendré un de la justice une et fils unique de la Justice, il ne manifeste en conséquence rien d'autre que la Justice elle-même et la Justice tout entière en son être intime" 62. Il y a, dans ses propos, une dimension platonicienne, dans la mesure où il se réfère implicitement à l'idée de participation, mais c'est pour exprimer cette réalité mystérieuse qu'est la filiation divine ou encore la divinisation de l'être humain et pour laquelle il ne trouve pas de catégories adéquates dans la pensée de son époque.

Il met également l'accent sur l'unification et y exhorte tout au long de sa prédication strasbourgeoise 63, en soulignant que "l'homme juste est un avec Dieu " (Sermon X, p. 112). Reprenant l'acquis du Commentaire de Jean 64, il explique qu'"est juste tout homme qui est formé et transformé dans la Justice. Le juste vit en Dieu et Dieu en lui, car Dieu naît dans la Justice et le juste en Dieu. Dieu naît de chaque vertu du juste et se réjouit de chaque vertu du juste, et non seulement de chaque vertu, mais de chaque oeuvre du juste, si minime soit-elle (...). Celui qui est dans la Justice est en Dieu et est Dieu " (Sermon XXXIX, p. 56-57).

Dans ce passage, Eckhart va encore plus loin que dans le Commentaire de l'Évangi1e de Jean. Il pousse même le raisonnement à l'extrême, en disant que "celui qui est dans la justice est en Dieu et est Dieu". Sans doute y a-t-il là un problème de vocabulaire, dans la mesure où Eckhart en vient à identifier le juste et Dieu, mais, dans un style oral, plus ou moins exactement rapporté, il s'attache ainsi à rendre compte de la divinisation et la figure de l'homme noble en est l'expression, comme le manifeste le Sermon LII.

Dans ce texte, considéré comme son plus grand sermon, Eckhart part des Béatitudes pour expliquer que l'homme noble, en l'occurrence ici l'homme pauvre est "celui qui ne veut rien, et qui ne sait rien, et qui n'a rien", celui qui est totalement détaché et parfaitement uni à Dieu. Le détachement joue ici l'office du changeur, il décentre l'être humain de lui-même pour lui donner de connaître l'union à Dieu, ce qui l'amène, une nouvelle fois, à traiter de la divinisation avec ici des expressions, parfois, excessives 65, issues des textes des mystiques rhéno-flamandes.

Dans le Commentaire du Prologue de Jean, il dégage apparemment mieux le sens de son propos. Il explique que "le juste, en tant que juste, ne recherche ni ne désire absolument rien, si ce n'est que la justice s'accomplisse pleinement en lui, qu'il soit dépouillé de tout ce qui n'est pas la justice elle-même, que soit rejeté aussi bien le semblable que le dissemblable, au point que le semblable passe dans l'Un qui est la Justice elle-même et que l'avènement du parfait élimine l'imparfait"66. Avec des mots différents, Eckhart développe ici la dialectique de l'Entbildung et de l'Einbildung qui sous-tend son oeuvre allemande et qui se dégage plus nettement du Sermon 40. Il souligne que, par le détachement, par l'Entbildung, le juste est parvenu à l'unification, à l'assimilation à la Justice, à l'Einbildung. Et il précise, quelques pages plus loin, que le juste est alors divinisé : "Il est engendré par la justice elle-même et est un rejeton naissant d'elle (...). Il demeure dans la justice elle-même afin de pouvoir annoncer et enseigner ou manifester la Justice"67. Il connaît véritablement la filiation divine.

Dans sa prédication allemande, il reprend, en une synthèse, l'acquis de son Commentaire et va plus directement encore à l'essentiel en disant que "le plus grand bienfait que Dieu accorda jamais à l'homme, c'est qu'il se fit homme " (Sermon 22, p. 192). Mais, "pourquoi Dieu s'est-il fait homme? je dirais, précise Eckhart, pour que Dieu naisse dans l'âme et que l'âme naisse en Dieu : c'est pour cela que toute l'Écriture est écrite, c'est pour cela que Dieu a créé le monde et toute la nature angélique : afin que Dieu naisse dans l'âme et que l'âme naisse en Dieu " (Sermon 38, p. 48). Dans le Commentaire du Prologue de Jean 68, il disait, en reprenant les mots mêmes de Maxime le Confesseur, que "le premier fruit de l'Incarnation du Christ, Fils de Dieu, est que l'homme soit par grâce d'adoption ce qu'il est, lui, par nature". En voyant dans l'Incarnation la condition de la divinisation, Eckhart se rapproche d'Irénée 69, plutôt que d'Anselme70 et opte pour une sotériologie, synonyme d'accomplissement de la création et non synonyme de rachat.

Dans la mesure où cela lui est possible, il précise les modalités de cette divinisation, de nouveau par différence avec les béghards 71, en écrivant que "cette naissance ne se produit pas une fois dans l'année, ni une fois dans le mois, ni une fois dans la journée, mais en tout temps, c'est-à-dire au-dessus du temps, dans l'amplitude où n'est ni ici ni maintenant, ni nature ni pensée " (Sermon 37, p. 44). C'est une oeuvre unique qui se réalise "quand Dieu trouve dans l'âme l'égalité avec cette ordonnance (...). L'âme doit alors, avec toute sa puissance, percer vers cette lumière. De la puissance et de la lumière jaillissent un embrasement, un amour " (Sermon 31, p. 9). Les modalités exactes nous échappent, mais il ressort que l'âme n'est pas passive. Au contraire, elle coopère à ce don qu'elle reçoit et ne connaît pas seulement la naissance de Dieu en elle, mais aussi la percée 72.

Aussi Eckhart peut-il désormais expliquer pourquoi il "a dit à Paris, que dans l'homme juste est accompli tout ce que la Sainte Écriture et les prophètes ont jamais dit (du Christ)". Par la naissance de Dieu en lui, cet homme juste ou noble devient un autre Christ. Sans doute va-t-il à l'extrême, en se situant, une fois encore du côté de l'éternité et non du temps 73, mais il s'attache à donner là une figure proposée à tout être humain.

Cette figure, il la voit concrétisée en la personne d'Augustin par exemple, auquel il a consacré un sermon latin bien connu 74 et qu'il compare à "un vase fort, stable, et portant en soi la noblesse de toutes les pierres précieuses " (Sermon 16 b).

Or, si Eckhart voit en Augustin le type même de l'homme noble, ce n'est pas le fruit du hasard, mais cela correspond au rôle décisif qu'Augustin eut dans sa pensée et plus précisément dans sa prédication strasbourgeoise, où il réinterprète les principales thèses de l'évêque d'Hippone sur la constitution de l'être.

Si Eckhart a su tirer le meilleur de ses prédécesseurs, en particulier d'Augustin, sa pensée n'est pas restée lettre morte pour ses successeurs, mais elle continue à susciter, non seulement des commentaires, mais aussi des pensées originales, comme celle de Nicolas de Cues qui peu de temps après reprend en deux sermons sa réflexion sur la filiation divine 75. Aujourd'hui encore, Eckhart suscite des émules, tels Heidegger 76 et Michel Henry. je m'arrêterai au second : Michel Henry, qui cite 148 fois l'Évangile de Jean dans C'est moi la Vérité et qui se réfère au Commentaire qu'Eckhart en a proposé, s'attache à "poursuivre l'analyse de la naissance transcendantale du Fils de la Vie assez loin pour que les caractères transcendantaux qui définissent l'essence véritable de l'homme soient fondés et du même coup saisissables dans leur intelligibilité"77. Il rappelle également que, "dans l'autogénération de la Vie absolue, se trouve engendrée une Ipséité essentielle dont l'effectivité phénoménale est un Soi singulier celui de l'Archi-Fils coengendré dans la vie donc comme son auto-accomplissement et ainsi comme identique à celui-ci"78. C'est une manière propre à Michel Henry de rendre compte de la naissance du Verbe dans l'âme. Pour préciser sa pensée, il dit que, "si avec Eckhart et avec le christianisme on appelle la Vie Dieu, on dira : "Dieu s'engendre comme moi-même". La génération de ce Soi singulier que je suis moi-même, Moi transcendantal vivant, dans l'autogénération de la Vie absolue, c'est cela ma naissance transcendantale, celle qui fait de moi l'homme véritable"79. Et il ajoute que "si avec Eckhart et avec le christianisme on appelle la Vie Dieu, on dira : "Dieu m'engendre comme lui-même"80, en son Fils. Sans doute le langage de Michel Henry est-il plus complexe que celui d'Eckhart, mais il en manifeste le caractère spéculatif et l'oriente du côté de la phénoménologie.

Il ressort finalement que le Commentaire qu'Eckhart propose du Prologue de Jean est au carrefour de la spéculation et de la mystique. Tenant compte de l'acquis de ses prédécesseurs,

Eckhart déploie toutes les ressources de la spéculation, tout en donnant à son Commentaire une dimension mystique. On comprend, à le lire, pourquoi il est un représentant de la Wesenmystik, de la mystique de l'être, étant donné qu'en laissant résonner les paroles du Prologue de Jean, il en dégage l'enjeu qui consiste à rendre compte de l'Incarnation qui n'est autre que la filiation divine, la naissance de Dieu dans l'âme, qui est exprimée à d'autres moments de l'oeuvre eckhartienne par le fait de "devenir par grâce ce que Dieu est par nature". Dans ce Commentaire, Eckhart en propose les clefs, en dégage la dimension trinitaire, de manière souvent laborieuse, alors qu'il saura en parler de manière beaucoup plus percutante dans son oeuvre allemande.

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Notes :

1. -Expositio in Evangelium secundum Iohannem, éd. Borgnet, XXIV, 1-10

2. Eckhart, Commentaire sur le Prologue de an, Paris, Cerf, 1989, n. 1

3 Ibid., X. 2 , p. 29 .

4. Ibid., n. 2, p. 27.

5. Ibid., n. 3, p. 29.

6. X.L. Dufour, Lecture de l'Evangile selon Jean, t. 1, Paris, Seuil, 1987, p 39

7. Commentaire du Prologue n. 32, p. 75.

8. Ibid., n. 5, p. 33.

9. Ibid., n. 15, p. 47-49.

10. Sermon 9, AL, p. 279-280.11. Commentaire du Prologue de Jean n. 40, p. 91.

12. Ibid., n. 56, p. 121.

13. Ibid., n. 53, p. 115.

14. Ibid., n. 59, p. 125.

15. Ibid., n. 63-64, p. 131-133.16. Ibid., n. 82, p. 165.

17. Ibid., n. 83, p. 167.

18. Ibid., n. 152, p. 279 : "La créature, par cela même qu'elle est créée ou créature, tient son être entier et total du créateur en tant qu'il est créateur".

19. Prologue général à l'oeuvre tripartite n. 16. Cf. V. Lossky, Théologie négative et connaissance de Dieu chez maître Eckhart, Paris, Vrin, 1973, p. 44-46.

20. Cf. W. Trusen, Der Prozess gegen Meister Eckhart. Vorgeschichte, Verlauf und Folgen, Paderborn, F. Schöning Verlag, 1988. En 1980, la réhabilitation d'Eckhart a été demandée, cf. E.H. Weber, "A propos de maître Eckhart et de son procès", Mémoire dominicaine 2 (1993), p. 135-137. L'ouvrage récent, intitulé : Eckhardus Theutonicus, homo doctus et sanctus, Fribourg, 1992, apporte un éclairage important sur la question.

21. -Des Sermons allemands d'Eckhart, on ne dispose aujourd'hui que des notes prises par ses auditeurs et non de son texte, comme pour les Sermons latins.

22. Il reprend là une notion d'origine platonicienne et la réinterprète. Cf. E.H. Weber, "Maître Eckhart et la Grande Tradition Théologique", in Eckhardus Theutonicus, p. 97-125.

23. Eckhart, on le verra, est largement influencé par saint Augustin (dans le cas présent par le début des Confessions 1, 2, 2). Voir notre article : "A propos de la création : S. Augustin et Eckhart", Mélanges Oroz Reta t. II, Augustinus, 1994, p. 551-561.

24. Cf. E. Zum Brunn, Le dilemme de l'être et du non-être chez saint Augustin. (Des Premiers Dialogues aux Confessions), Paris, 1969.

25. Cf. G. Madec, La patrie et la voie, Paris, Desclée, 1989, p. 287-312.

26. Cf. M.-A. Vannier, Creatio, conversio, formatio chez S. Augustin, Fribourg, 1991, p. 144-146.27. Commentaire sur le Prologue de Jean n.107, trad. A. de Libera, E.-H. Weber, E. zum Brunn, Paris, Cerf, 1989, p. 211.

28. -D'où le lien, encore une fois marqué, entre l'oeuvre allemande et l'oeuvre latine où son ontologie est développée comme telle.

29. Eckhart parle plutôt d'id quod est.

30. -Voir les cinq premiers chapitres des Confessions.

31. La discussion avec Aristote porte plutôt sur le problème de la privation. Cf. K. Bohrmann, "Das Verhältnis Meister Eckharts zur aristotelischen Philosophie. Zu einer aristotelischen Lehre bei Meister Eckhart", in Freiheit und Gelassenheil. Meister Eckhart, Munich, 1980, p. 53-59.

32. Cette perspective est typique du XIVe siècle. On la retrouve également en logique et en cosmologie.

33. Seconde question parisienne, in Maître Eckhart à Paris. Une critique médiévale de l'ontothéologie, Paris, PUF, 1984, p. 180.

34. C'est là encore un point difficile dans la pensée d'Eckhart, qui constitue la proposition 27 de la Bulle de 1329.

35. F. Pfeiffer, Meister Eckhart, Göttingen, 1906, n. 56, p. 179.

36. Ibid., p. 179-180.

37. Cf. H. Rahner, "Die Gottesgeburt. Die Lehre der Kirchenväter von der Geburt Christi im Herzen des Gläubigen", Zeitschrift für katholische Theologie 59 (1935), p. 411-418.38. Sermon 6, AL p. 262.

39. Commentaire du Prologue de Jean, p. 185.

40. Sermon 2, AL p. 233.

41. Commentaire du Prologue de Jean n. 117, p. 233.

42. Ibid., n. 118, p. 235.

43. Ibid., n. 130, p. 251.44. Sermon 6.

45. Commentaire du Prologue de Jean n. 171, p. 307.

46. A. de Libera, op. cit., p. 60.

47.-A.M. Haas, "Meister Eckhart im Spiegel der marxistischen Ideologie", Wirkendes Wort 22 (1972), p. 128 n. 28; 130.

48. Nous nous référons à l'une des traductions les plus élaborées : celle de Maurice de Gandillac, dans : Voici maître Eckhart, Grenoble, 1994, ici, p. 81.

49. Et non des seuls parfaits, comme c'était le cas dans la doctrine du Libre Espril.

50. -A la différence du Libre Esprit, Concile de Vienne VI, 6 (Hefele-Leclercq, p. 682) mis en oeuvre en vue de cette divinisation, ce qui implique que l'être humain ne se divinise pas lui-même, mais qu'il reçoit peu à peu la filiation divine.51. Commentaire du Prologue de Jean n. 120, p. 239.

52. M. Vannini, "La justice et la génération du Logos dans le Commentaire eckhartien à l'Évangile selon saint Jean", p. 143.

53. N. 333.

54. N. 387.

55. -Eckhart commente largement Jn 1, 9, traitant de l'illumination. Il reprend également, sans le préciser, les réflexions de S. Augustin sur la question.

56. "Homo divinus et deiformis ipse ut sic nihil amat, nihil sapit, sed nec novit quidpiam, sive in gratia sive in glana, nisi sit voluntas Dei et amor Dei. Propter quod necesse est, ut non minus gaudeat de bono in altero, nec minus in dono minori nec plus in dono majori, ut supra ostensum est figurative in manna caelesti" (Commentaire sur l'Évangile de Jean n. 390) ou encore : Homo divinus seu deiformis solam Dei justitiam amat. Unde quia justum est Paulum plus habere in glatia qui plus habuit in gratia, homo divinusplus amat gloriam Dei in Paulo quam in se ipso; amando autem sibimet Proprium fit, ut dictum est" (n. 394).

57. M. Vannini, art. cit., p. 147.58. Ibid., p. 154.

59. Cf. W. Haug, "Das Wort und die Sprache bei Meister Eckhart", in : W Haug, J. Janota, Zur deutschen Literatur und Sprache des XIV. Jahrhunderts, Dubliner Colloquium, Heidelberg, 1983, p. 25-44.

60. Eckhart n'en vient pas au panthéisme, ibid., p. 154-155. Cf. Commentaire du Prologue de Jean n. 16, p. 49.

61. A.M. Haas, "Meister Eckharts geistlichen Predigtsprogramm", Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie 29 (1982), p. 199.62. Commentaire du Prologue n. 196, p. 357.

63. C'est l'axe même de son programme de prédication, tel qu'il l'énonce au Sermon 53, cf. A.M. Haas, "Meister Eckhart Predigtsprogramm p. 203.

64. -Voir aussi le Sermon 41.65. Telle celle-ci : "Lorsque j'étais dans ma cause première, je n'avais pas de Dieu et j'étais cause de moi-même; alors je ne voulais rien, je ne désirais rien, car j'étais un être libre, je me connaissais moi-même jouissant de la vérité..." (AH 11, p. 146).66. Commentaire du Prologue de Jean n. 177, p. 319.

67. Ibid., n. 187, p. 339.

68. Ibid., n. 106, p. 207-209.

69. -La célèbre phrase d'Irénée : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu" fait nettement ressortir le motif de l'Incarnation.

70. Dans le Cur Deus homo? Anselme explique que le motif de l'Incarnation n'est autre que le rachat de l'humanité qui ne pouvait être réalisé que par celui qui est homme et Dieu.

71. Ceux-ci faisaient de la divinisation un état final (Concile de Vienne VI, 1,2,4).

72. Sur le mode de la sortie et du retour, cf. D. Mieth, Die Einheil von vita activa und vita contemplativa, Regensburg, 1969, p. 140-180; "Meister Eckhart : Authentische Erfahrung", p. 18; 35-41.

73. Comme le disait Tauler, Sermon 15.

74. Sermo die Beati Augustini, Parisius habitus, LW, V, BD. 1/2, p. 87-99.75. Nicolas de Cues, "Le Verbe s'est fait chair". Sermons I et II, in : Sermons eckhartiens et dionysiens, Paris, Cerf, coll. "Sagesses chrétiennes", 1998, p. 159-197.

76. Pour l'influence d'Eckhart sur Heidegger, voir Ph. Capelle, "Heidegger et maître Eckhart", Revue des sciences religieuses 70 (1996), p. 113-124.

77. M. Henry, C'est moi la Vérité, Paris, Seuil, 1996, p. 132.

78. Ibid.

79. Ibid., p. 132-133.

80 Ibid., p. 133